Cet article veut surtout clarifier l’apport positif que pourrait avoir la stratégie du boycott pour le bien du mouvement du printemps érable. On entend toutes sortes de craintes et d’énoncés par rapport au Grand Prix de F1 à Montréal ces temps-ci. Depuis le début de la grève aussi, on emploi le mot «boycott» en remplacement du mot «grève». Il m’apparaît dès lors inévitable de définir de façon circonscrite ce mot, d’élaborer quelque peu sur son efficacité historique et l’emploi que l’on pourrait en faire actuellement pour augmenter la pression sur les détenteurs du pouvoir et de l’argent ainsi que favoriser un changement de mœurs.
Je tiens d’abord à souligner que je n’ai pas amplement étudié le phénomène du boycott, mais je connaîs vaguement certaines de ses implications historiques et je suis de très (trop) près l’actualité depuis le début de la grève.
Le boycott se manifeste souvent à l’endroit de compagnie qui vendent en deçà du prix coûtant , ce qui menace les petites entreprises par l’appropriation progressive d’un monopole. Le boycott, bien qu’ayant parfois des objectifs économiques, ceux par qui il est perpétré ont davantage des objectifs politiques. Les américains s’insurgeaient en faisant le boycott du thé de la Compagnie des Indes orientales qui vendait leur thé en deça du prix coûtant. Il voulait avant tout éviter de payer toute forme de redevance sous forme de taxe au gouvernement britannique. La plus célèbre manifestation de ce boycott est le Boston Tea Party en 1773. Le boycott de consommateurs cible des entreprises pour des questions politiques, sociales, environnementales ou morales. Il ne cible pas des services publics comme l’éducation.
De plus, les étudiants en grève ont payé leur session et désirent la terminer, mais comme les Américains des treize colonies, ils veulent infléchir le pouvoir politique au-dessus d’eux pour des raisons de principes avant même les raisons économiques. Ils savent que les mesures établies ouvrent la porte à des mesures plus répressives. Les Américains en révolte croyaient fermement que le gouvernement britannique voulait les réduire en esclavage en révoquant les droits politiques et en imposant des taxes. Aujourd’hui, nous ne sommes pas plus loin de l’esclavage que les colons américains, mais nos droits ne sont pas plus garanties qu’ils l’étaient l’époque. Et l’esclavage économique, comme le croyaient les colons, est subtil et déguisé1. La gouvernement britannique comme québécois, se préoccupe davantage de son orgueil politique que des vraies raisons économiques, car faire la guerre aux étudiants sur une longue période, tout comme faire la guerre aux colons pendant 7 ans impliquent des coûts beaucoup plus considérables. Par contre, le boycott est un geste individuel de contestation qui s’exécute à l’échelle d’une communauté. Il n’est pas décidé de façon démocratique, mais plutôt fortement suggéré par des partisans aux membres, libres d’y participer. Et surtout, il vise le non-achat d’un produit, donc d’une marchandise. Mais l’éducation est un droit, comme le travail2.
Il est tout aussi difficile de faire cadrer le mouvement étudiant dans la définition d’une grève, qui s’applique d’abord et avant tout aux travailleurs salariés. Mais plusieurs raisons me font croire que le mouvement se rapproche davantage d’une grève que d’un boycott. La grève est décidée de façon concertée par les travailleurs, syndiqués ou non, et l’arrêt de travaille implique tout le groupe, sans quoi elle est sans effet. Les associations étudiantes jouent ce rôle. Espace démocratique où les étudiants débattent et décident des actions à prendre dans leurs intérêts, en tant que groupe particulier. La grève engage un rapport de force, d’abord économique pour forcer l’employeur à négocier et octroyer des avantages. Exactement comme le mouvement étudiant le prétend en obligeant la mobilisation policière et en forçant une reprise coûteuse. Lors de grèves historiques, certaines législations ont passées pour protéger le droit au travail, exactement comme la loi 78 le fait. Ces lois visent avant tout à détruire la légitimité démocratique d’une association de travailleur comme d’une association étudiante. Mais qu’il s’agisse d’un boycott ou d’une grève ou bien davantage d’un mouvement étudiant, il n,en n’est pas moins légitime3. Tant que le gouvernement s’entête à tuer le mouvement dans la force policière et la manipulation médiatique, il perd sa légitimité. Et contre un gouvernement illégitime, malheureusement, toutes les formes d’opposition deviennent valables.
Mais pour revenir au boycott, cet outil économique devient particulièrement essentiel dans notre société de consommation. Tout le monde sait quel pouvoir il a en tant que consommateur, peu de gens y croient, encore moins s’en prévalent. Les choix que nous faisons deviennent de plus en plus essentiels pour agir contre les abus de toutes sortes que nous dénonçons quotidiennement. Perturber la vie économique montréalaise au sens large, malheureusement, nuit au mouvement actuel. L’appareil médiatique est en cause dans cette guerre d’opinion, sans aucun doute, c’est pourquoi il convient de mieux choisir ses cibles et surtout de mieux définir l’action entreprise. Les «menaces» au Grand Prix de Montréal doivent être explicitées et argumentées. Le boycottage du Grand Prix s’avère justifiable dans le cadre ou Bernie Ecclestone quémande des subventions fédérales et provinciales tout en empochant des profits faramineux, il contribue l’adoration fétiche de la machine à explosion polluante et néfaste pour notre environnement et le sport professionnel où les salaires sont tout simplement aberrants attire l’attention cupide du citoyen moyen vers d’autres préoccupations tandis que les affaires politiques et sociales nous échappent4. Le boycottage d’Air Canada doit absolument devenir unanime, car c’est le parfait exemple de comportement à bannir. Augmentations de salaire aux patrons, coupures pour les employés et mépris perceptible dans une négociation inexistante5. Autant que le boycottage de Wal-Mart ou Couche-Tard pour leurs licenciements devant les tentatives de syndicalisation. Ces exemples sont des cibles exemplaires pour un boycottage efficace qui donnera du changement. Pourtant, nuire aux loisirs touristiques et estivaux de façon globale mine la recevabilité du mouvement parce que la population y perd aussi et la manipulation médiatique est plus facile à exercer. Le boycott doit être pratiqué en masse, de façon cernée, ainsi il représentera le refus d’un modèle. Je crois définitivement à l’action de masse, surtout par la force du nombre, mais les gens doivent marcher dans le même sens. Ce que tout le monde ou à-peu-près sait, peu de gens le mettent en pratique. Les boycottages doivent devenir officiels et organisés. Ils sont d’abord pacifiques et légaux, et nul ne peut m’obliger d’acheter où je ne veux pas. Évidemment, si la conscience du consommateur se développe, chaque achat deviendra politique.
Je crois que le boycottage, officiel peut s’avérer un fort moyen de pression. L’intérêt et l’indignation nés de ce mouvement doivent être canalisés. Rejetons le consumérisme. Achetons local, bio, écolo. Il suffit de regarder les étiquettes comme nous le faisons pour les lipides et glucides. Il faut également se poser des questions essentielles à savoir si nous cédons à la pression des pairs ou bien si nous achetons ce produit par véritable besoin. Bientôt, ce mouvement gagnera même votre postulation pour votre prochain emploi. Suis-je en accord avec la philosophie d’une entreprise pétrolière ou bien d’une multinationale dont la production manufacturière est en Asie et exploite les travailleurs? Toute la vie montréalaise n’a pas à payer le prix de nos luttes. Encourageons la vie culturelle locale si le promoteur du festival ou le tenancier de bar mène ses activités dans le respect de nos valeurs progressistes et environnementales. Boycottons un événement ou une entreprise ciblée pour les mêmes raisons et nous développerons notre esprit solidaire à la mesure du monde de demain.
Sources:
1Bernard Bailyn, The Ideological Origins of the American Revolution, Enlarged Edition., Belknap Press of Harvard University Press, 1992.